Témoignage du p. Jean Christophe sur le p. MD Philippe : son esprit (partie 1)

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II. SON ESPRIT

Toute la vie et tout l’enseignement du père Marie-Dominique révèlent son esprit. On a déjà beaucoup dit sur ce sujet ; les lignes qui suivent ne prétendent donc pas du tout avoir un caractère exhaustif, il s’agit seulement de quelques réflexions, liées parfois à des souvenirs personnels

La recherche de la vérité et la sagesse : c’est évidemment un des aspects essentiels de son esprit, comme il l’a dit lui-même : « J’ai consacré ma vie à la recherche de la vérité. » Et c’était aussi pour lui une des principales raisons d’exister de la Communauté Saint-Jean : « la recherche de la vérité à travers tout ». Il cherchait la vérité en toutes choses, et il s’intéressait à tout, mais avant tout à la sagesse, aux « trois sagesses » :  philosophique, théologique et mystique.

 Il ne cessait de nous rappeler que l’intelligence humaine est capable par elle-même de connaître Dieu et que, par conséquent, nous devons faire l’effort d’acquérir cette sagesse philosophique qui consiste à découvrir l’existence de Dieu et à le contempler avec notre intelligence. Il revenait souvent sur la distinction entre science et sagesse, et il demandait parfois avec force : « Où enseigne-t-on encore la sagesse ? »

 L’encyclique « Fides et Ratio » de Saint Jean-Paul II, qui confirmait d’une manière éclatante ce que le père avait fait en rappelant la nécessité d’une « philosophie sapientiale », fut certainement un grand réconfort pour lui. Le Cardinal Ratzinger aurait dit, peu de temps après la parution de l’encyclique, que c’était pour le père Philippe que Jean-Paul II l’avait écrite ! Et le père nous disait souvent combien le Saint-Père se souciait que la métaphysique soit enseignée. Un frère a rapporté qu’à l’occasion d’une visite à Jean-Paul II avec le père, le pape avait demandé expressément aux frères d’être fidèles à la recherche métaphysique du père Philippe.

Il n’accordait pas seulement une grande importance à la philosophie, mais peut-être encore plus à la  théologie, et nous rappelait souvent qu’il fallait que nous soyons tous des théologiens pour l’Eglise d’aujourd’hui, à l’école de Saint Thomas d’Aquin, mais aussi à la manière de Saint Jean « le théologien », comme lui-même l’était éminemment.

Malgré ce gigantesque effort qu’il a fait toute sa vie pour chercher et transmettre la sagesse du point de vue philosophique et théologique, le père a toujours été clair sur le fait que ce que nous devons désirer et demander avant tout et par-dessus tout c’est la « sagesse mystique », infuse en nous directement par l’Esprit-Saint grâce au don de sagesse, qui nous donne une connaissance intime de l’Amour Trinitaire, connaissance dépassant de beaucoup tout ce que notre intelligence peut saisir grâce à la philosophie et la théologie. C’est pourquoi il disait : « Rien n’est plus important dans notre vie que le don de sagesse ! » 

Tous ses enseignements et ses prédications n’avaient pas la même qualité, tout n’était pas toujours très passionnant pour tout le monde, parfois sa manière d’enseigner ou de prêcher pouvait même être un peu pénible pour certains (il était lucide sur ce point). À la fin de sa vie il me semble qu’il a même parfois dit des choses un peu curieuses, sur lesquelles il devait revenir ensuite. Et j’ai entendu un frère dire que le père Marie-Dominique répétait beaucoup la même chose ; ce n’était évidemment pas entièrement faux, après 60 ans d’enseignement… Cependant, une des choses les plus impressionnantes chez lui, c’est qu’il a continué à chercher la vérité, sans s’arrêter à ce qu’il savait déjà, jusqu’à la fin. Par exemple, à presque 80 ans il s’est mis à dire que, contrairement à ce qu’il avait penché à dire jusque là, on ne pouvait pas être sûr, philosophiquement, que l’âme humaine était créée dès la conception de l’embryon. Un autre exemple : toute la recherche qu’il a développé les dernières années de sa vie sur la découverte de l’existence de Dieu par la « ratio boni » ; ou tout le livre « Retour à la Source », qui est une recherche qu’il a développée les dernières années.

Au sujet de sa quête incessante de vérité et de sagesse, il faut évoquer aussi l’histoire, que nous l’avons tous entendu raconter plus d’une fois, de son frère dominicain (le père Ramirez) lui demandant de persévérer dans sa recherche et son enseignement tout en l’avertissant qu’il serait, à cause de cela, « haï, haï, haï ! ». C’était nous dire qu’il se savait haï par certains pour ce qu’il faisait, et que, si nous voulions marcher sur ses traces, nous le serions aussi…

Tout en nous encourageant beaucoup à développer notre intelligence, il nous rappelait souvent aussi que nous ne devions pas tomber dans l’orgueil, « l’orgueil de l’intelligence, l’orgueil des théologiens… ».