Les principes fondamentaux du droit face aux condamnations des pères Philippe

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100 avocates au chevet de L’EGLISE

L’article est paru dernièrement dans le journal Le Monde et a même été repris par La Croix. Serait-il passé inaperçu ? Il remet en lumière de façon magistrale les principes fondamentaux du droit si souvent oubliés et bafoués.

Les esprits vertueux se choqueront peut-être du parallélisme que nous osons entre le cas Polanski et les condamnations médiatiques et ecclésiales des pères Thomas et Marie-Dominique Philippe ainsi que Jean Vanier.

Face à l’émotion qui si facilement prend le pas sur le droit, ne sommes-nous pas appelés, à l’instar de ces 100 avocates pénalistes (cf. article ci-joint), à redécouvrir un attachement viscéral – que nous devrions tous avoir, « aux principes qui fondent notre droit, à commencer par la présomption d’innocence et la prescription » ?

Avançons pas à pas dans l’argumentation de ce texte :

  • « Aucune accusation n’est jamais la preuve de rien. Il suffirait sinon d’asséner sa seule vérité pour prouver et condamner». Toute accusation doit être non seulement prouvée, mais « éprouvée » par un procès équitable et contradictoire, c’est-à-dire par une confrontation de faits, d’expertises et de points de vue. Le respect du principe du contradictoire est la seule façon de chercher la vérité judiciaire : il permet à l’accusé de faire valoir ses arguments, de dire pourquoi il est innocent ou, s’il se reconnait coupable, de donner sa version des faits et d’expliquer son geste. A défaut de contradictoire, un jugement n’est qu’un simulacre. Ne serions-nous pas malheureusement tombés dans ce travers terrible qui devient presque normatif aujourd’hui ? Une émission d’Arte, un communiqué dévastateur relayé dans le monde entier… et cela suffit à ruiner définitivement en quelques heures la réputation de sainteté d’hommes et de femmes qui, des décennies durant, ont œuvré pour le bien. Reconnaissons-le. On « sacralise arbitrairement la parole » des plaignants et on condamne aussi vite. On se substitue à la Justice et cela ne pose de problème à personne.
  • Les signataires de l’article insistent : « Il est urgent de cesser de considérer la prescription et le respect de la présomption d’innocence comme des instruments d’impunité : ils constituent les seuls remparts efficaces contre un arbitraire dont chacun peut être la victime». Cette affirmation est fondamentale. Il a fallu des siècles de luttes et de plaidoiries pour bâtir, procès après procès, réforme après réforme, un système judiciaire qui garantisse à tout homme le droit de se défendre, d’avoir un procès équitable et d’être, envers et contre tout, présumé innocent. C’est ce qui distingue notre civilisation de la barbarie. Souhaite-t-on tomber dans l’arbitraire ? N’y sommes-nous pas déjà tombés ? Quelle ignorance, quelle naïveté pour un prélat de célébrer une messe pour les personnes qui se prétendent victimes d’un homme qui n’a jamais été condamné par la justice, autrement dit d’un homme qui doit être regardé, faute de procès, comme absolument innocent !  Affirmons-le avec force : condamner le fondateur d’une communauté sur la base du seul « discernement » d’un prieur général ou d’une commission autoproclamée indépendante, au mépris des droits les plus fondamentaux et de toute règle de droit, n’est autre qu’une farce. Quelle confusion et perte totale de réalisme !

Et pourquoi ne pas entendre encore de ces femmes avocates cette réflexion de bon sens, fondée sur leur professionnalisme de juristes avisées : « Il n’est pas de postulat plus dangereux que celui selon lequel toute mémoire serait vertueuse et tout oubli condamnable ».

  • Contre le tribunal de l’opinion.

Saluons l’honnêteté de ces avocates qui osent relever « qu’une inquiétante et redoutable présomption de culpabilité s’invite trop souvent, même dans les prétoires, en matière d’infraction sexuelle », et de rajouter qu’il devient aujourd’hui de plus en plus difficile « de faire respecter le principe, pourtant fondamental, selon lequel le doute doit obstinément profiter à l’accusé ». Est-il alors nécessaire ici de redire que les pères Marie-Dominique et Thomas Philippe, ainsi que Jean Vanier sont morts et que par là même aucune action judiciaire ne peut être engagée ? Rien ne sera donc jamais prouvé. Aucune décision de justice, qu’elle relaxe ou qu’elle condamne, ne pourra jamais être prise. Et si un doute demeurait, il devra toujours profiter à l’accusé.

« Tweet après tweet, hashtags après hashtags, ce que nous sentons monter a de quoi alarmer tout démocrate… le triomphe du tribunal de l’opinion publique ». N’en serions-nous pas arrivés nous aussi, parfois, à cette folie ?

Puisse la déposition de ces 100 avocates nous aider à retrouver un peu de bon sens ! Un cardinal de la Curie Romaine nous disait : « le jour où l’église a abandonné le droit, le démon est entré dans la maison ».

La pandémie mondiale pourrait peut-être nous inviter à vivre avec d’autres paradigmes, en revenant au droit pour défendre les personnes, leur honneur, leur sainteté, et ainsi redevenir gardien de la vérité pour défendre l’Eglise.

C’est bien une réhabilitation que nous attendons. N’est-ce pas aussi un droit fondamental ?

L’Eglise n’en sortirait que grandie.

La rédaction

20200310 Le Monde Tribune, avocat, Le sacrifice d’un homme a l’aune d’une cause